Discours de Sophie Frilley lors de la manif du 9 mars 2022 #23MillionsDeVoix

 

Aujourd’hui, à un mois du 1er tour des élections présidentielles, APF France handicap braque les projecteurs sur les23 millions de citoyennes et citoyens que nous sommes (12 millions de personnes en situation de handicap et 11 millions de proches), autant d’électrices et d’électeurs. Elle entame sa campagne #23MillionsDeVoix.

En février 2005 paraissait les lois d’accessibilité permettant enfin la compensation du handicap, compensation technique et compensation humaine. Elles étaient porteuses de beaucoup d’espoirs pour les PSH qui se voyaient reconnu dans leurs besoins et leur citoyenneté. Depuis lors, aucun politique n’a eu d’autre cesse que de les réduire, les diminuer, les rendre inapplicables, les sous-financer, nous expliquant combien elles coutaient chères à la communauté. Combien nous coutions cher à la communauté.

Aujourd’hui, plus de 15 ans après ces lois, au moment où les économies de budget se font drastiques partout, c’est à nous les PSH qu’on décide de rogner les attributions de compensation, d’ajouter de la vulnérabilité et de la précarité à nos vies déjà compliquées.

Les MDPH en charge de l’instruction de nos dossiers de compensation tant technique qu’humaine ont accru leur délai de traitement, à tel point que parfois un an est nécessaire pour voir aboutir nos demandes. Ainsi un accidenté devenu paraplégique peut au sortir de l’hôpital ne se voir attribué des droits à compensation que des mois et des mois plus tard alors que son quotidien entier a été bouleversé et nécessite des aménagements techniques et humains. On ne peut pas le tolérer !

Et quand on a obtenu des droits, sans que notre situation n’ait changé, on peut nous les reprendre en les diminuant. Le territoire français n’est pas équitable dans l’attribution de ses aides et pour un même handicap vous pouvez obtenir du simple au double de compensation selon que vous adresserez votre demande à Chartres ou à Nîmes. Admettrions-nous que les allocations familiales pour trois enfants varient entre Toulouse et Montpellier, cela sans protester ?

Une fois reconnus vos besoins, obtenue votre compensation, commence alors le défi de trouver les personnes qui vont intervenir à vos côtés. L’aide humaine notamment devient de plus en plus difficile à trouver. Le métier d’auxiliaire de vie ne fait pas rêver, il est si mal rémunéré, si peu considéré, si mal et si peu formé. C’est ainsi que souvent lorsqu’enfin on vous a accordé des heures d’aide humaine même les associations employeuses ne peuvent vous les attribuer dans leur ensemble car elles n’ont plus assez de salariés pour répondre à nos demandes. Et je ne parle pas du défi de trouver ses auxiliaires soi-même en tant qu’employeur... Quelques heures par semaine auxquelles vous avez légitimement droit ne serons pas exécutées entravant ainsi votre vie sociale, votre vie culturelle, votre vie quotidienne. Je ne vous parle pas d’exception mais de pratiques désormais courantes, de PSH restant couchée la journée parce que personne ne vient les lever, contraintes de ne pas sortir parce qu’elles n’ont pas d’accompagnants. Des situations qui peuvent aller jusqu’à la détresse et qu’on doit considérer comme de la maltraitance.

Nous attendons des candidats des engagements clairs alors que jusque-là le handicap est le grand absent de tous les programmes, comme si nous n’existions pas !

APF Fh lance sa campagne présidentielle à son tour pour dire aux candidats, aux politiques et aux institutions que nous autres PSH si bien “invisibilisés” dans notre société sommes des électeurs, que pas loin de 70% d’entre nous (selon l’IFOP) comptent se rendre aux urnes, exprimer leur voix. Nous et nos proches représentons #23 millions de personnes, ce n’est pas rien et nous n’entendons pas nous faire renvoyer dans des institutions dédiées, être marginalisés par l’ignorance de nos revendications. Citoyens nous sommes, conscients de notre poids, et si nous luttons tous les jours pour une société inclusive nous avons bien l’intention de faire partie de ceux qui s’expriment et revendiquent.

Nous sommes des citoyens à part entière. Nous sommes des électeurs. Notre voix compte.

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