Interview Tony Moggio, qui a vaincu la vallée blanche en fauteuil ski

Nous avons interviewé Tony Moggio, après son exploit à Chamonix : il a descendu la Vallée blanche, le plus grand hors piste glaciaire en tandemski !

D'abord, bravo à lui pour cet exploit, et voici ses impressions.

Crédit Photo : Gaetan Haugeard

INTERVIEW TONY MOGGIO

- Alors, on va parler de de la descente de la vallée blanche. D'abord, est-ce que tu peux un peu te présenter au cas où certains de nos lecteurs ne te connaîtraient pas, ou pas bien ?

 

- Je m'appelle Tony Moggio, j'ai trente-huit ans, je vis sur Toulouse et je suis auteur conférencier. J'ai également créé une ligne de vêtements pour tous, et créé un porte-biberon pour rendre la parentalité accessible à tout le monde. Et aussi je me lance des défis sportifs, car le sport est vraiment mon ADN. Aussi j'ai traversé en 2019 le golfe de Saint-Tropez à la seule force de mes bras et très récemment, le 31 janvier, j'ai dévalé en tandem-ski le plus prestigieux hors-piste glaciaire du monde qui se situe à Chamonix.

 

- Comment t'es venue cette idée ?

 

- Je me suis dit : la mer d'abord et pourquoi pas la montagne ? C'est la réflexion que je me suis faite, puis avant mon accident j’avais souvent l'habitude de partir en randonnée avec mon père et c'est vrai que c'était un petit pincement au cœur de le voir partir après mon accident et ne pas pouvoir aller avec lui, car en haute montagne, les chemins ne sont pas très accessibles. C'était aussi un moyen pour moi de de pouvoir nous offrir ça, se retrouver en haute montagne parce que mon père m'a accompagné dans cette descente. C'était aussi montrer que la montagne peut être accessible à tout le monde.

 

- C'était vraiment un défi hors norme, comment tu as trouvé les personnes pour t'y accompagner ?

 

- Alors c'est beaucoup de recherche. J'avais fait du tandemski déjà à Chamonix, et j'avais demandé aux pilotes des tandems quel défi il y aurait à faire à Chamonix. Ils m'ont répondu la vallée blanche. Donc ils m'ont expliqué, je me suis renseigné auprès des guides de montagne de Chamonix. Et de coup de téléphone en coup de téléphone, on m'ajoutait une personne supplémentaire que j'appelais, et c'est comme ça que s'est fait le dispositif. Alors, c'est toujours délicat quand on ne connaît pas, la haute montagne… C'est un hors-piste glaciaire, donc ça change des hors-piste normaux et du coup j’ai la gendarmerie qui m'a également aidé et une association en particulier qui s'appelle « Safe Mountain ». C'est elle qui a piloté l'organisation sur place, a trouvé les bonnes personnes : des pompiers volontaires sont également venus dans ce défi.

La particularité de mon côté, ce qui a été très difficile, c'est de trouver des caméramen, des pilotes de drone, des personnes qui pourraient gérer mes réseaux sociaux dans cette descente, parce que je voulais vraiment tenir au courant toute ma communauté. Ca a été très difficile de trouver des personnes qui étaient aussi bonnes dans leur métier qu’en ski parce que tout le monde ne peut pas y aller, dans la vallée blanche. Skier et filmer en même temps, et descendre un gros hors-piste glaciaire avec des crevasses, pas facile !

 

Voilà, il y avait quand même quelques passages très difficiles et donc le tout c'est de bien l'organiser.

 

- Tu as rencontré des gens qui ont essayé de te décourager ?

 

- Pour commencer mon médecin, car j'ai quand même un lourd handicap alors pour eux, la haute-montagne, les secousses, les crevasses, l'altitude, c'était trop ! Les secousses sont très éprouvantes et le manque d'oxygène à 4000 mètres d'altitude quand on a une capacité pulmonaire réduite de 50%... Et puis, je n'ai as pu rester dans le tandem, j'ai dû être transférée dans une civière pour passer l'arête. Alors que certains trouvaient que ce n'était pas vraiment un défi par rapport à Saint-Tropez, j'ai été beaucoup plus éprouvé physiquement.

Pour monter là-haut il fallait que je sois encordé. Donc beaucoup de personnes n'y croyaient pas, avaient des doutes. Et puis bien évidemment, c'est ce qui me plaît dans les défis. C’est de montrer que voilà, en étant bien encadré, en ayant un mental plus fort que tout, on y arrive. Et puis on a dû reporter 2 fois : Quelques heures avant la première année, je me souviens, j'ai dû annuler parce qu'il y a eu deux morts dans la vallée Blanche. Ensuite, on se prépare pour l'année suivante : là pareil, report par manque de neige.

Notamment mentalement, ça éprouve aussi, parce que tu annonces à tout le monde, tu t'es préparé et il faut tout recommencer.

Même cette année, on a failli reporter car les travaux sur le télécabine n'étaient pas achevés. Je me suis aguerri en altitude au Pic du Midi, après je suis allé à l'Aiguille. Voilà donc tout était bon pour pouvoir le faire.

Je me suis entraîné comme pour Saint Tropez, beaucoup de natation, beaucoup de renforcement musculaire, beaucoup de massage et de kiné, parce que c'est aussi important étant donné que j'étais dans une posture que mon corps n'aime pas du tout, c'est à dire allongé quand j'étais sur la civière, et demi-assis.… Voilà, c'est des choses qui m'étouffent dans ses positions. Moi j'aime bien mon petit coussin, mon petit fauteuil, mon petit confort. Donc voilà. J’ai fait beaucoup de boxe aussi pour faire travailler le cardio et à ça s’est ajouté la particularité qu’il y avait de l'altitude, donc j'ai fait de l'hypoxie. J'ai travaillé mon souffle : nager sans trop respirer pour voir comment je réagissais, je me suis vraiment mis dans le rouge sur tous mes entraînements. Et c'est aussi un entraînement mental, car c'était arriver à faire confiance. Quand j'étais sur l'arête, encordé à 4000 mètres, avec une seule corde qui me maintenait en vie et des gens qui étaient autour de moi pour la tenir, tu sais, c'est chaud parce s'ils lâchent, c'est la fin.

Et puis il y a les sondages à faire en pleine montagne.

Mentalement, j'ai eu ma dose, même plus que ma dose. Parce qu'on a fait de l'alpinisme, on est passés à quelques centimètres de crevasses... Lors d'un un défi comme ça, il ne faut surtout pas croire qu'on n'a pas peur, qu'on n'est pas stressé, qu'on n'a pas de doutes. En fait, tout ça c'est normal. La peur, le stress, les doutes, c'est normal pour tout le monde, même pour des personnes entraînées. Au contraire, ça permet d'être sur le qui-vive si jamais il se passe quelque chose. Quelqu'un qui n'a pas peur, il finit au fond d'une crevasse. Tout le monde a peur, c'est normal.

Ce genre de défi c'est super parce que j'embarque ma famille, mon staff, et on vit une semaine ensemble, on vit des belles choses, ça soude. Il y avait une super cohésion. Moi j'étais très ému de cette cohésion, de ces gens qui étaient là, ils étaient morts de faim autant que moi, tu vois, ils voulaient m'amener jusqu'à l'arrivée. Et ça c'était énorme.

- A l'arrivée, cela a été plus difficile que prévu ou vraiment tu t'étais bien préparé à tout ça ?

- Je m'étais bien préparé, mais c'était plus difficile que ce que j'aurais pu imaginer. Car j'aurais dû passer l'arête en tandemski, donc j'étais assis dans mon fauteuil, j'avais un peu de visibilité. Là, j'ai été placé sur une civière à plat, la position que mon corps n'aime pas du tout. Je fais pas loin de 100 kilos donc c'est éprouvant pour tout le monde. L'arête, c'était une montée en hauteur, c'était raide, elle était mal formée, donc il y avait le précipice à droite à gauche, on n'avait pas le droit à l'erreur. On a mis ¾ d'heure à la passer.

On a eu un passage délicat aussi au niveau d'une crevasse qui s'était formée entre la veille où il y a eu le repérage et le lendemain. Donc j'ai dû d'être encore encordé à la descente. Et ensuite le télécabine qu'on devait prendre pour arriver n'était pas fini. Donc j'ai dû encore être encordé à la fin. Ils m'ont fait monter une petite montagne, encordé. Donc quand ils m'ont dit à la fin : ça y est, tu peux dire que t'as fait la vallée blanche, c'était beaucoup d'émotions.

- Et est-ce que tu as pu profiter de la beauté des paysages ?

- Tout à fait, tout le temps. Parce que j'avais préparé ça mentalement, j'ai ouvert les yeux tout le temps, même sur l'arrête. J'étais à plat, mais j'étais quand même assez penché et je pouvais apercevoir.

- Et est-ce que tu as eu des belles sensations de glisse et de vitesse aussi ?

- Oui, énorme. Ce que j'attendais aussi dans ce défi, c'est d'avoir cette adrénaline de hauteur, de vitesse. Et il faut savoir que quand tu es en tandemski, on est plus bas que le pilote, donc on a beaucoup plus de sensations. On est en avant, donc on voit en premier les pentes, les bosses, les crevasses… Et puis la vitesse ce sont des pistes noires plus, plus, plus. D'ailleurs, la petite anecdote c'est que quand on a passé le moment difficile de l'arête, après on a eu quelques descentes très faciles, même s'il y avait des milliers de crevasses en dessous. Mais on s'est regardé avec mes proches, on s'est dit si c'est ça la vallée Blanche c'est niquel. Mais on a passé le premier virage, après c'était des murs ! des à-pics vertigineux ! Même à des moments, en toute franchise, pour ne pas dire "j'ai peur", je dis : mais on peut passer là, t'es sûr ? Le tandem se penchait très fortement, presque à la verticale. La vallée Blanche, c'est énorme. Ce sont des souvenirs inoubliables.

- Est-ce que tu as trouvé ton prochain défi ?

- Oui, j'ai promis à mon épouse un peu de repos, parce que je vais aussi sortir un quatrième livre en fin d'année, et j'ai aussi pas mal de conférences. J'ai un défi que je garderai secret, mais je le prépare. L'entraînement débuterait en 2025. Le défi, je le ferai, je pense à l'été 2026. Je ne cherche pas à être le premier tetra, ou handicapé, à faire ça, mais ce sera sur plusieurs jours. Voilà, ça va être un gros truc. Ça va être très difficile, très éprouvant pour mon corps, il faut que je perde beaucoup de kilos pour ça, mais ça va être énorme. Ça sera en France. Je peux donner un petit indice : j'ai fait la mer, j'ai fait la terre et puis je te laisse deviner ce que ça pourrait être la suite.

Et donc ton quatrième livre, tu as déjà le titre ?

- Oui mais je ne peux pas le dire encore mais je mets en avant les aidants familiaux.

- Très beau sujet ! On continue à te suivre sur les réseaux sociaux pour en savoir plus. A bientôt Tony !

 

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